Août/Septembre 1997 Un rêve d’espace

Corina Bezzola est une jeune femme qui s’engage sur des chemins artistiques qui n’appartiennent qu’à elle. Après ses études à l’Ecole des Beaux-Arts de Bâle puis à la Kunstakademie de Vienne, elle se lance dans une recherche originale : la peinture monochrome. Dans son atelier près de Bâle, elle explore les formes et la couleur. Elle tend au dépouillement, à l’essentiel. Chaque forme a sa signification, chaque couleur sa propre expression. A la monochromie s’attache un travail sur la surface, sur la profondeur qui créé l’espace. Au fil de ses œuvres, Corina Bezzola sent s’affirmer un besoin irrépressible de sortir de la toile, de dépasser les limites qu’elle impose. Elle veut imaginer des espaces de vie.
1996 est une date-clé dans sa recherche. Elle est conviée par un groupe d’artistes allemandes à Meiningen en Allemagne, dans l’ex RDA. Il s’agit de créer un espace artistique éphémère dans des bureaux abandonnés qu’on avait aménagés dans d’anciennes écuries. Un univers délabré, dégradé. Corina Bezzola sent confusément l’atmosphère d’un monde qui n’existe plus. Elle décide de travailler dans cet environnement sans le masquer en créant de nouvelles surfaces. Elle opte pour des bandes de couleur rigides et autocollantes qui lui servent à intégrer certains éléments du décor dans une composition spatiale. Un radiateur est strié de lignes horizontales bleues. Une bande rouge ferme l’espace, évocation de la frontière qui existait autrefois entre les deux Allemagnes. L’œuvre est éphémère mais les photographies de ce monde recréé sont d’une étonnante beauté ; elles évoquent la subtilité des œuvres japonaises.
Au printemps de cette année, à Londres, Corina Bezzola poursuit son travail dans les espaces publics. Ses matériaux : bandes autocollantes, papiers d’emballage et rubans. Elle produit des œuvres de passage, soulignant de ses horizontales et de ses verticales un monde que d’ordinaire, on ne remarque pas. L’espace ainsi approprié est recréé ; il prend une autre dimension. Deux univers entrent en relation : celui de la trivialité du quotidien et celui de l’artiste qui le repense. Corina Bezzola travaille aussi parfois chez les gens, dans leur appartement. Elle y invente d’autres trames de vie. Œuvres mouvantes, fugaces, destinées surtout à faire réfléchir à la démarche artistique. Les œuvres de Corina Bezzola, celles de son atelier et celles de ses errances, nous mettent en face de nous-mêmes et de notre vie.

Simone Forster

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